Mobilité douce et berges des lacs : quels aménagements concrets dans les Vaites ?

Les Vaites : entre nature urbaine et enjeux de déplacement

Situé à l'est de Besançon, le quartier des Vaites illustre bien le défi de concilier nature, urbanisation et nouveaux usages de l’espace public. En bordure directe de la ville, ce secteur abrite plusieurs lacs artificiels créés dès les années 1980 pour la régulation de la rivière la Vaîte. Ces plans d’eau sont devenus au fil du temps des lieux de vie, de balade, de pêche et d’observation de la biodiversité (source : Ville de Besançon).

Au cœur de la stratégie urbaine, une question revient : comment aménager ces berges pour favoriser ce qu’on appelle la mobilité douce, c’est-à-dire les déplacements à pied, à vélo, en fauteuil roulant ou avec poussette, tout en préservant les écosystèmes aquatiques et l’expérience des usagers (promeneurs, sportifs, pêcheurs) ?

Qu’appelle-t-on la mobilité douce sur les berges ?

Le concept de « mobilité douce » regroupe l’ensemble des modes de déplacement non motorisés : marche, vélo, trottinette, rollers, fauteuil roulant, etc. Sur les berges, l’objectif est double :

  • Réduire les nuisances sonores et la pollution
  • Favoriser la détente, l’observation et la convivialité
  • Sécuriser l’accès pour tous les publics, quels que soient l’âge ou la mobilité
  • Protéger la faune et la flore riveraines

Ainsi, tout aménagement se doit de faciliter la circulation fluide, d’éviter les conflits d’usages (notamment entre cycles et piétons) et d’intégrer les pratiques déjà en place, comme la pêche ou la balade avec chiens.

Une réhabilitation entamée au tournant des années 2010

Les berges des lacs des Vaites n’ont pas toujours été des modèles d’accessibilité. Jusqu’en 2012, sentiers vaseux, bordures instables et zones marécageuses rendaient la balade compliquée, surtout l’hiver ou après de grosses pluies (source : Ma Commune Info).

Depuis dix ans, plusieurs étapes :

  • Création d’un sentier principal de 2,3 km, sur un substrat compacté et bordé de ganivelles, pour faire le tour du plus grand lac
  • Mise en place de passerelles en bois pour traverser les zones humides sensibles
  • Élargissement et stabilisation des berges sur 1,4 km, notamment grâce à du géotextile et des gabions pour lutter contre l’érosion
  • Implantation d’un éclairage doux (LED à détection de mouvement) sur certains tronçons à forte fréquentation quotidienne, pour sécuriser tôt le matin ou le soir
  • Installation de mobilier adapté : bancs en bois, panneaux signalétiques, arceaux pour vélos, toilettes accessibles PMR (Personnes à Mobilité Réduite)

Ces travaux ont été en partie financés par l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et la Ville de Besançon, pour un coût global de 730 000€ sur la période 2013-2021 (source : Ville de Besançon).

Matériaux et tracés : quelles solutions concrètes ?

Substrat des chemins : résistance et écologie

Le choix des matériaux conditionne la durabilité et l’impact écologique.

  • Stabilisé calcaire sablé pour la majorité des sentiers : perméable, esthétique et suffisamment dur pour vélos et fauteuils, tout en absorbant mieux l’eau de ruissellement qu’un revêtement en bitume.
  • Bois douglas non traité pour les passerelles et plateformes : résistant à l’humidité, d’origine française (Massif central).
  • Pierre naturelle locale, notamment pour les accès au plan d’eau pour pêcheurs et PMR.

Certains tronçons connaissent tout de même une dégradation rapide lors de grosses crues ou d’entretien insuffisant ; une vigilance est donc constante sur l’entretien (source : Ville de Besançon).

Chemins partagés et signalétique

  • Tracés de largeur variable :
    • 3 mètres en moyenne sur la boucle principale (circulation bidirectionnelle cycles/piétons)
    • 1,5 à 2 mètres sur les cheminements secondaires, réservés plutôt à la promenade à pied
  • Signalisation au sol (pictogrammes vélo et piéton), panneaux pour localiser les espaces « zones de quiétude » naturelles, et appuis-vélos aux points d’entrée principaux

Accessibilité et inclusivité

Les passages les plus raides disposent de rampes à moins de 5% de pente, bordées de main courante.

  • Accès prioritaires au bord pour les personnes à mobilité réduite, avec plateformes adaptées pour la pêche accessible (une première sur la métropole bisontine)
  • Mise à disposition chaque année de scooters électriques de prêt, sur réservation (projet expérimental depuis 2021, partenariat avec la Maison Départementale des Personnes Handicapées)

Plus de 14 points d’entrée sont recensés sur la zone des lacs pour rejoindre la rocade, le quartier ou les écoles alentour.

Chiffres-clés et retombées pour les usagers

  • Le sentier principal des lacs accueille en moyenne plus de 1200 passages quotidiens en semaine, jusqu’à 3000 le dimanche en période estivale (données 2023, borne de comptage Eco-Compteur).
  • 62 % des usagers viennent à pied, 29 % à vélo et 4 % en fauteuil ou poussette (enquête Ville de Besançon 2022).
  • Le nombre de vélos est en hausse de +15%/an depuis 2017, confirmant la tendance vers des déplacements non motorisés.

L’usage partagé a exigé une adaptation constante, notamment pour la cohabitation avec les pêcheurs. Sur le grand lac, la fédération de pêche du Doubs a obtenu la création de 8 postes accessibles en bordure des chemins, spécialement dédiés (afin d’éviter les croisements dangereux entre pêcheurs installés et piétons/cyclistes).

Dans des enquêtes de satisfaction, 87% des usagers évaluent positivement l’aménagement général, bien que 42% citent, en saison haute, un certain « engorgement » sur les points les plus fréquentés (source : enquête Ville de Besançon, 2022).

Questions écologiques et protection de la biodiversité

Favoriser la mobilité douce ne rime pas avec artificialisation brutale. Le projet des lacs des Vaites a donc intégré une logique de « trame verte et bleue » :

  • Limitation de l’accès humain dans certaines zones de frayères à brochets et à grenouilles (panneaux d’information, ganivelles dissuasives)
  • Non-éclairage total de la partie est du site, classée zone Natura 2000, pour éviter de perturber chiroptères et oiseaux d’eau
  • Création de mares temporaires et restauration des roselières, avec balisage pour éviter le piétinement

Les impacts positifs se confirment sur le terrain : retour du triton crêté observé depuis 2020, présence régulière de milans noirs et d’une colonie nicheuse de hérons cendrés (source : LPO Franche-Comté).

Des aménagements légers, comme des supports pour cannes à pêche en bois local, sont installés uniquement sur la moitié aménagée, l’autre restant volontairement plus sauvage.

Des points d’amélioration et des projets à venir

Malgré ces réussites, certains problèmes sont pointés par les associations :

  • Balisage parfois insuffisant, surtout à la jonction avec les quartiers résidentiels, générant des incertitudes ou des passages sur des zones fragiles
  • Conflits d’usages ponctuels aux heures de pointe, notamment lors d’événements sportifs ou de sorties scolaires massives
  • Érosion localisée sur deux méandres du sentier principal, liée aux fortes pluies de 2021-23

En 2024, la Ville de Besançon a prévu une extension du maillage cyclable entre les lacs et la passerelle Jean-Minjoz, en lien avec le schéma directeur cyclable de l’agglomération. Deux nouvelles aires d’arrêt-vélos, avec station de gonflage et kit d’outils, sont aussi prévues.

Le plan de gestion 2025 prévoit également une extension du dispositif de points d’observation ornithologique, ainsi que la poursuite de la végétalisation sur certains ouvrages maçonnés.

Vers un modèle inspirant pour d’autres lacs urbains ?

L’expérience des Vaites est souvent citée par les acteurs de l’aménagement urbain (notamment lors des Rencontres nationales des acteurs du vélo 2023 à Dijon) comme un exemple d’équilibre entre mobilité douce, loisirs, accessibilité et protection écologique.

L’aménagement des berges des lacs des Vaites montre que la mobilité douce n’est pas qu’une mode : c’est une façon d’habiter différemment la ville, de mieux vivre l’espace public en respectant la nature et les autres usages. La dynamique est lancée… et incite d’autres quartiers et villes à s’en inspirer.

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