Les lacs des Vaites : acteurs clés de la régulation hydrique dans un écoquartier urbain

L’écoquartier des Vaites : un contexte urbain et hydrologique particulier

Chatouillant la périphérie nord-est de Besançon, l’écoquartier des Vaites s’inscrit dans une dynamique urbaine moderne, où l’aménagement des espaces répond autant à l’exigence écologique qu’aux besoins de la population urbaine. Depuis 2009, ce quartier en développement privilégie la gestion intégrée des eaux, sachant qu’il se situe dans une zone dite « hydromorphe », c’est-à-dire régulièrement gorgée d’eau en surface ou en profondeur (source : Ville de Besançon, Dossier de presse Quartier des Vaites).

Les contraintes sont doubles : les sols sont argileux, peu filtrants, le bassin versant amont conduit naturellement de gros volumes d’eau lors d’épisodes pluvieux, et la zone, historiquement, était en partie marécageuse. Ce contexte impose des réponses à la hauteur, qui font du quartier un laboratoire grandeur nature pour la gestion durable de l’eau.

Pourquoi des lacs dans l’écoquartier des Vaites ? Un choix environnemental réfléchi

Plutôt que de miser sur des réseaux d’évacuation souterrains ou sur le tout-béton, la ville et ses aménageurs (SEDD, Ville de Besançon, Grand Besançon Métropole) ont fait le pari de créer, dès la conception de l’écoquartier, un ensemble d’ouvrages paysagers à ciel ouvert :

  • lacs artificiels connectés entre eux (3,6 hectares cumulés de plans d’eau en 2024),
  • fossés et noues paysagères,
  • zones humides restaurées,
  • parcours de l’eau visible depuis la rue ou le parc urbain (Parc des Vaites),
  • plantations de végétation hélophyte (roseaux, iris, joncs) adaptées à la gestion de l'eau.

Ce choix structurel permet de répondre concrètement à plusieurs problèmes majeurs : l’évacuation du « tout-à-l’égout » arrive vite à saturation lors de fortes pluies ; le risque d’inondation est réel (le Doubs a connu plusieurs crues récentes, en 2013 et 2016 notamment) (source : Vigicrues.fr) ; et la demande sociale pour plus de nature en ville est croissante.

Comment les lacs régulent-ils réellement les eaux ?

Un tampon face aux eaux de ruissellement

Lorsque de fortes pluies s’abattent—comme la crue de juin 2016 où Besançon avait vu tomber 78mm de pluie en 48 heures (source : Météo France)—les sols saturés des Vaites évacuent lentement l’eau, risquant d’inonder routes et habitations. Les lacs remplissent un rôle de tampon : ils recueillent, stockent, puis relâchent progressivement ces volumes excédentaires.

  • Capacité de stockage : Les plans d’eau du quartier peuvent absorber collectivement jusqu’à 30 000 m³ selon les phases d’exploitation (Ville de Besançon, dossier Vaites 2021).
  • Répartition contrôlée : Un réseau de caniveaux, fossés et bassins tampons guide cet écoulement, évitant la concentration brutale vers un même exutoire.
  • Système connecté : Les lacs s’appuient sur des surverses et déversoirs pour équilibrer leur niveau, selon la capacité de réception des eaux usées en aval.

Diminuer la pollution des eaux pluviales

Avant d’arriver jusqu’au Doubs ou dans la nappe phréatique locale, les eaux de ruissellement traversent ces lacs, qui jouent le rôle de filtres naturels :

  1. Dépôt des matières en suspension (limons, sables, macrodéchets) : le ralentissement du courant dans les plans d’eau permet une décantation naturelle.
  2. Épuration biologique : la flore installée autour et dans les lacs (roseaux notamment) absorbe une partie des nutriments en excès (azote, phosphates), contribuant à limiter l’eutrophisation en aval.
  3. Réduction des polluants urbains : hydrocarbures, métaux lourds, particules fines issus de la circulation ou des toitures sont piégés dans les sédiments ou assimilés par la végétation aquatique (source : INRAE, “Le rôle des systèmes racinaires dans l’épuration des plans d’eau urbains”).

Limiter l’impact des fortes chaleurs et du changement climatique

Les lacs de l’écoquartier jouent aussi un rôle, plus discret mais non moins crucial, dans la régulation thermique de l’espace urbain :

  • Effet “îlot de fraîcheur” : la présence d’étendues d’eau ouvertes fait baisser la température locale lors des canicules (jusqu’à -3°C mesuré par la Ville en 2022 lors de l’épisode de juin-juillet, voir rapport municipal).
  • Réserve pour la biodiversité : ces lacs maintiennent une hygrométrie favorable et des microclimats pour la faune, la flore, et même pour les habitants du quartier.
  • Anticipation du réchauffement : la capacité tampon aidera à encaisser l’augmentation attendue des épisodes orageux violents dans l’Est de la France (Météo-France, 2023).

Des chiffres-clés sur l’efficacité des lacs aux Vaites

Indicateur Valeur Source
Superficie totale des plans d’eau 3,6 hectares Ville de Besançon, 2024
Capacité de stockage maximale 30 000 m³ Ville de Besançon, 2021
Baisse locale des températures lors des vagues de chaleur Jusqu’à -3°C Ville de Besançon, Rapport 2022
Nombre d’espèces végétales recensées sur les berges 43 Liste SEDD, Plan Paysage Vaites 2023
Fréquence annuelle des épisodes de crues depuis 2015 2 à 3 Vigicrues.fr
Part de l’eau de pluie infiltrée ou traitée sur site Environ 80% Ville de Besançon, Évaluation 2023

Lacs et biodiversité : une régulation précieuse aussi pour la vie sauvage

Les plans d’eau ne sont pas qu’utilitaires. Ils redonnent vie à des espèces parfois oubliées du cœur urbain :

  • Amphibiens : grenouilles, tritons, crapauds s’installent et se reproduisent en lisière d’eau, stabilisant les populations locales (l’Observatoire de la Biodiversité de Franche-Comté note plusieurs pontes de grenouille rousse dans les bassins des Vaites en 2022).
  • Libellules et odonates : 7 espèces recensées entre 2021 et 2024, dont la Calopteryx splendens.
  • Poissons : la colonisation naturelle par des espèces rustiques (goujon, épinoche) est observée dans les lacs, favorisée par la connexion à l’hydrographie locale et la faible pollution.
  • Flore aquatique : la diversité végétale permet l’oxygénation, la filtration, la production d’abris pour la faune, et la stabilité des berges.

D’un point de vue strictement pêche, la réglementation interdit pour l’instant toute session non encadrée dans ces lieux pour préserver leur équilibre, mais l’exemple inspire d’autres projets (Grand Nancy, Lyon Confluence).

Retour sur expérience et points d’attention

Après plus de dix ans de fonctionnement, le système des lacs des Vaites prouve son intérêt, mais il requiert une surveillance et certains ajustements :

  1. Gestion de l’ensablement naturel : Les bassins doivent être curés tous les 5 à 6 ans pour conserver une capacité optimale (Ville de Besançon, rapport 2023).
  2. Lutte contre les espèces invasives : Les étangs urbains sont parfois colonisés par la jussie ou la renouée du Japon ; le suivi régulier évite les débordements.
  3. Entretien des zones de filtration végétale : Les plantations doivent être renouvelées, et le développement des mousses ou d’algues surveillé.
  4. Sensibilisation des habitants : Affichage et animations sont régulièrement organisés pour rappeler l’importance de ne pas jeter de déchets ou de substances polluantes dans les ouvrages.
  5. Veille météo et gestion à distance : Grâce à une supervision informatique, les charges hydriques peuvent être anticipées (fermeture ou ouverture des vannes, surveillance vidéo du niveau des bassins).

Et demain ? L’exemple des Vaites fait école

L’expérience des lacs de régulation des Vaites montre qu’il est possible de concilier urbanisation, réponse au risque hydrologique et développement de la biodiversité locale. De nombreuses agglomérations suivent la même direction en France, généralisant ainsi la présence de bassins, lacs et zones humides artificielles en zone urbaine nouvelle.

  • Lyon Confluence (bassin de la Darse),
  • Grand Nancy (noues et bassins du Plateau de Haye),
  • Bordeaux Ginko et Bastide-Niel,
  • Strasbourg Danube (jardins d’eau, bassins de rétention).

Pour l’avenir, les retours d’expérience locaux seront décisifs pour optimiser la gestion des eaux, renforcer la biodiversité, et faire des lacs urbains de véritables leviers d’adaptation au climat. La mixité des usages (promenade, pédagogie, observation de la nature) gagnera en importance, sous réserve de ne jamais sacrifier la fonction hydrologique ni l’équilibre des milieux.

À l’heure où la pression sur la ressource en eau s’accroît partout en France, les lacs urbains comme ceux des Vaites démontrent qu’une gestion inspirée du milieu naturel, ancrée dans la réalité locale, apporte des réponses concrètes et visibles au cœur du quotidien urbain.

Sources : Ville de Besançon, SEDD, Vigicrues.fr, INRAE, Observatoire de la Biodiversité de Franche-Comté, Météo France, Plan de paysage des Vaites, Rapports municipaux 2021-2023.

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