Les lacs : terrains d’éducation vivante pour les habitants des Vaites

Un patrimoine naturel à portée de main

Situé au nord de Besançon, le quartier des Vaites s’est bâti en lien étroit avec ses espaces naturels. Parmi eux, les lacs locaux tiennent une place de choix dans la vie du quartier : le lac de Chailluz et les étangs de Brognard notamment, sans oublier les petits plans d’eau disséminés dans les zones humides alentours. Ce n’est ni la montagne, ni le grand lac sauvage, mais ce sont des lieux accessibles, gérés et investis par les habitants, les associations et parfois les écoles.

Au-delà du plaisir de la balade ou du pique-nique, ces plans d’eau remplissent un vrai rôle pédagogique que beaucoup sous-estiment. Ils servent tout autant à apprendre la nature qu’à l’expérimenter en vrai : on touche, on observe, on mesure, on participe. Un atout précieux, à l’heure où l’éducation à l’environnement est un défi majeur, et où la connexion avec le vivant se fait rare dans les milieux urbains.

Découverte de la biodiversité : terrain d’observation grandeur nature

  • Découvrir la faune aquatique : Les lacs des Vaites regorgent d’amphibiens (tritons, grenouilles, crapauds), d’oiseaux (grèbes, canards siffleurs, poules d’eau), d’insectes (libellules, dytiques), sans compter une diversité de poissons allant de la perche commune au brochet. Chaque promenade peut devenir une leçon de biologie en direct.
  • Herbiers, roselières et zones humides : Au bord de ces plans d’eau, les jeunes (et les moins jeunes) apprennent à différencier les différentes plantes aquatiques : phragmites, massettes, iris jaunes… Un bon moyen de comprendre les rôles de chacune dans la filtration naturelle de l’eau ou la nidification.
  • Initiations tout public : Des associations comme la LPO Franche-Comté ou le CPIE du Haut-Doubs organisent régulièrement des balades naturalistes, inventaires participatifs et ateliers « science citoyenne », accessibles même aux familles non initiées.

Selon la LPO, plus de 80 espèces animales ont été identifiées sur les différents points d’eau du secteur, soit deux fois plus que sur les espaces verts urbains classiques autour de Besançon. Ce chiffre illustre la capacité des lacs à servir de réservoirs à biodiversité, mais aussi à stimuler la curiosité des riverains.

Des supports pédagogiques pour les écoles et les centres de loisirs

Les classes dehors, un outil en plein essor

L’Education nationale encourage de plus en plus les sorties scolaires « hors les murs ». Les lacs des Vaites sont alors mobilisés comme supports pédagogiques privilégiés :

  • Carnet de terrain : Les élèves apprennent à décrire le paysage, à dessiner ce qu’ils observent, à reconnaître traces d'animaux et plantes spécifiques.
  • Petites expériences scientifiques : Prélèvements d’eau pour observer le plancton à la loupe, calcul de la température et du pH, compréhension du cycle de l’eau à petite échelle.
  • Sensibilisation à la pollution : Ramassage de déchets, observation de la présence de microplastiques et discussions sur leur impact.

Sur l’année scolaire 2022-2023, ce sont près de 600 élèves de la métropole bisontine qui ont fréquenté ces lacs dans le cadre de sorties pédagogiques (chiffres fournis par la Ville de Besançon). Les retours des enseignants soulignent la capacité des élèves à mémoriser bien plus durablement ce qui est vu sur le terrain que lors d’une leçon classique.

Les vacances actives : clubs nature, centres aérés et pêche éducative

  • Stages et ateliers nature : Les centres de loisirs organisent régulièrement des sessions de pêche responsable, d’identification animale, ou de création de nichoirs. Le « Club Nature » local accueille chaque été entre 40 et 70 enfants sur ces sites naturels (source : Ville de Besançon - "Guide des animations nature").
  • Découverte pratique de la pêche : Les associations de pêche (AAPPMA) sensibilisent enfants et ados à la réglementation piscicole, à la remise à l’eau, au respect de la faune. Au-delà du lancer et de la prise du poisson, c’est toute une approche éthique qui est transmise.

La pêche en No-Kill — relâcher systématiquement les poissons, même pour les enfants — a fait l’objet d’ateliers dédiés, démontrant que la pédagogie des lacs, c’est aussi éduquer au respect. En 2023, ce type d’initiative a réuni plus de 120 jeunes du quartier autour du lac de Chailluz, selon la Fédération de Pêche du Doubs.

Citoyenneté et engagement local

Les chantiers participatifs et la gestion partagée

Les lacs ne sont pas des espaces figés. Les riverains, réunis via associations ou collectifs, participent activement à la préservation de ces milieux.

  • Nettoyages de berges : Plusieurs fois par an, les habitants se retrouvent pour ramasser les déchets et sensibiliser à la propreté des espaces naturels. Selon la Ville de Besançon, près de 1,6 tonne de déchets a ainsi été collectée sur les pourtours des lacs du secteur Vaites entre 2019 et 2022.
  • Sauvegarde des amphibiens : En mars et avril, des opérations de « crapauducs » (pose de barrières pour aider les amphibiens à traverser routes et pistes sans danger) sont montées avec la participation d’écoles et d’habitants volontaires. Une trentaine d’élèves et de bénévoles interviennent chaque année, contribuant à la survie de plusieurs centaines de tritons et crapauds selon le CPIE Haut-Doubs.

Comprendre la gestion de l’eau et la lutte contre la sécheresse

Les étés secs de ces dernières années ont popularisé dans le quartier des Vaites des animations autour de la gestion économe de l’eau. Les associations expliquent, au bord des lacs, comment fonctionne la recharge naturelle, l’importance des zones humides, ainsi que les dangers de leur urbanisation. Les ateliers “Eau et ville” (CPIE du Haut-Doubs, 2022-2023) ont réuni près de 300 participants, de tous âges.

En observant l’évolution du niveau des lacs au fil des saisons, jeunes et adultes se rendent compte concrètement que la protection de ces plans d’eau locaux, ce n’est pas qu’un enjeu de paysages, mais bien un facteur de résilience pour le quartier face au changement climatique.

Une passerelle vers la science citoyenne

Inventaires participatifs et sciences collaboratives

Les lacs jouent un rôle de laboratoire naturel, incitant les habitants à devenir acteurs, et non simples spectateurs. Plusieurs projets “sciences citoyennes” invitent habitants, classes et associations à collecter des données utiles :

  • Comptages d’oiseaux d’eau et migration : En janvier 2023, la coordination régionale “Wetlands” a mobilisé une quarantaine de riverains pour le recensement, contribuant au suivi européen des oiseaux migrateurs.
  • Suivi des amphibiens : Cartographie des pontes de grenouilles, inventaires photographiques sur smartphone et collecte des signalements via l’appli “Biodiv’Vaites”, mise en place par la Ville sur le modèle de VigieNature.
  • Analyses de la qualité de l’eau : Sur deux lacs, des riverains sont associés au prélèvement d’échantillons lors de campagnes menées avec l’Agence de l’Eau Rhin-Meuse (source : Agence de l’Eau, rapport 2023), favorisant l’appropriation du sujet par les citoyens eux-mêmes.

Ces activités débouchent souvent sur des restitutions publiques, sous forme d’expositions, de panneaux pédagogiques sur les berges, ou de discussions ouvertes avec les gestionnaires (Ville, ONF, associations).

Lacs et pédagogie : un lien à réinventer sans cesse

Les lacs des Vaites, au-delà de leur présence paisible, constituent un outil d’éducation unique, adaptable à toutes les générations et tous les profils. Du simple plaisir de la contemplation naît la curiosité, puis la prise de conscience — et souvent, un engagement concret pour la biodiversité locale.

Aujourd’hui, l’enjeu est aussi d’éviter le repli sur soi de certains milieux associatifs, et d’encourager une ouverture toujours plus large : jeunes, familles, seniors, habitants de toutes origines… Les projets les plus réussis sont ceux qui mélangent usages : pêcheurs, promeneurs, familles, naturalistes, scolaires. Les plans d’eau des Vaites ne sont pas réservés à une élite. Leur force pédagogique vient justement de cette accessibilité.

Dans un monde toujours plus urbain, garder ce lien de pédagogie directe, sans écran ni artifices, entre l’humain et les cycles naturels apparaît comme un enjeu majeur pour les années à venir. Les habitants des Vaites, à travers leurs lacs de proximité, disposent d’un formidable terrain de jeu et d’apprentissage : il ne tient qu’à eux de le préserver et d’en faire bénéficier le plus grand nombre.

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